A la question « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? », la réponse est oui. Bastien Le Roux, ingénieur et pilote, a lui-même conçu et assemblé l’appareil ayant servi au premier vol international alimenté par un carburant renouvelable à plus de 97%. L’avion, au départ de Sarrebruck en Allemagne, s’est posé après une série de loopings, ce mardi 15 juin, à l’aérodrome de Reims Prunay. Global Bioenergies, qui développe des substituts aux dérivés pétroliers à partir de ressources renouvelables, et le spécialiste des carburants verts Swift Fuel ont travaillé de concert à cette prouesse technologique. Le premier a fourni « les ingrédients », le second « les formules », a ainsi résumé Bernard Chaud, directeur de la stratégie industrielle chez Global Bioenergies. Ce biocarburant, à base de betteraves dont la région rémoise est riche, est le fruit de sa collaboration avec la coopérative sucrière Crystal Union. Il réduirait de 70% les émissions de dioxyde de carbone sur un vol standard. Cette essence d’aviation renouvelable est aussi un substitut au carburant 100LL, utilisé dans les avions à moteur à pistons. Le marché de l’essence d’aviation, bien moindre que celui du kérosène, pèse toutefois 900 millions de litres par an aux Etats-Unis et 100 millions en Europe. « Les carburants d’origine fossile restent bien moins chers mais ils pillent l’héritage géologique : le kérosène coûte 1,33 euro le litre, taxes comprises, l’essence d’aviation 2,06 euros », a expliqué Marc Delcourt, le président-directeur général de Global Bioenergies. Mais l’entreprise compte faire des économies d’échelle en augmentant sa production sur ce marché de niche. « Elle devrait atteindre 10.000 tonnes en 2024-2025, à répartir entre la cosmétique et le carburant ». Car Global Bioenergies a lancé, la veille du décollage, sa gamme cosmétique Last, à plus de 90% d’origine naturelle. Les pertes se sont réduites en 2020 Cette première mondiale a été l’occasion pour Thomas Albuzat, PDG de Swift Fuel, de faire un pied de nez au plane bashing, caractérisé par une opinion publique hostile au transport aérien et par la mise en place de mesures décourageantes (taxes, suppression de lignes…) : « Cette association a fait disparaître le seul inconvénient à l’aviation ». L’initiative, 100 ans après le premier vol de ville à ville par Henri Farman, a été saluée par le président de la Région Grand Est, Jean Rottner, et la présidente du Grand Reims, Catherine Vautrin. Côté chiffres, le résultat net de Global Bioenergies a affiché une perte de 11,1 millions d’euros en 2020, en amélioration par rapport l’année 2019, déficitaire de 12,7 millions d’euros. Le groupe a bénéficié d’un prêt garanti par l’Etat pour un montant de 6 millions d’euros (dont 4,9 millions d’euros ont été encaissés en décembre 2020). Quant à la trésorerie brute du groupe, elle s’élevait à 15,2 millions d’euros, à mi-mars 2021.